Les soins et les traitements de substitution contre l'héroïne

Les thérapeutiques en matière de dépendance à l'héroïne ont initialement imposé un objectif immédiat d'abstinence à travers les sevrages et les postcures à répétition. Le patient héroïnomane devait être motivé, passer par de nombreuses consultations ou attentes avant de commencer sa cure: la rechute, disait-on à l'époque, faisait partie du parcours thérapeutique.

Mais ce parcours, ou son lieu d'arrivée, était bien rarement évalué... Et nul ne peut dire, dans ces années post-babacool, puis de crise, quels résultats obtenait cette stratégie de l'abstinence. Quelques chiffres étaient pourtant à disposition ; outre ceux en augmentation constante des overdoses et des arrestations pour infraction à la loi sur les stupéfiants, le nombre de boîtes de Néo-codion(R) vendues en France chaque année pouvait être interprété comme un marqueur d'échec de l'abstinence. Des dizaines de millions de boîtes de ce dérivé codéïné de courte demi-vie étaient délivrés sans ordonnance (et sans conseil ou proposition alternative) par les pharmaciens.

Les traitements de substitution en France reposent essentiellement sur deux molécules: la méthadone et la buprénorphine haut dosage (Subutex®).

SOMMAIRE

I. Les insuffisances du système français


L'épidémie de sida, remédicalisant l'usager de drogues à partir de 1983-85, révéla les insuffisances d'un système français fondé sur l'antipsychiatrie, la psychologie des profondeurs et le mythe de l'abstinence. Pour limiter les risques de transmission du VIH, des mesures de harm reduction (diminution des méfaits liés aux utilisations des produits stupéfiants) furent progressivement instaurées en France à partir de 1987. Parmi ces mesures : les traitements dits de maintenance (ou de blocage pour reprendre l'expression de Vincent Dole, un des inventeurs de la méthadone en 1962) par la méthadone et la buprénorphine haut dosage (Subutex(R)) (52 patients avaient été traités par méthadone entre 1972 et 1993 et 8 000 le furent entre 1994 et 2000).haut page magasin bio ligne

II. Prise en charge par les généralistes


Parallèlement, la prise en charge des usagers fut confiée aux médecins généralistes, jusque-là maintenus à l'écart du système spécialisé des intervenants en toxicomanie. L'autorisation de prescription de la buprénorphine pour et par les omnipratriciens de ville transforma radicalement, à partir de 1996, les modes de traitement et de suivi: en quelques années, des centaines de milliers de personnes dépendantes purent accéder à ce traitement et modifier favorablement, pour la majorité, leur pronostic médical, mais aussi social et économique (selon une étude de Sibel Bilal et Coll.).haut page magasin bio ligne

III. La méthadone: traitement de substitution


La prescription de la méthadone fait l'objet d'un protocole particulier défini par le ministère de la Santé. Le traitement de substitution par méthadone par la bouche (il s'agit d'un sirop sucré non injectable) doit être initialisé par une structure spécialisée, telle qu'un centre de soins aux toxicomanes (CSST). La plupart des centres modernes sont pluridisciplinaires avec des suivis médicaux, psychologiques et sociaux.

Un contrat pratique est passé entre le patient et le centre spécialisé, avec de grandes variations d'un centre à l'autre, et sont précisées les doses et les analyses urinaires pour identifier la consommation de substances illicites ou non prescrites.

Lorsque le patient est stabilisé par rapport aux doses prescrites (en moyenne entre 40 et 120 mg/jour) et aux autres consommations, il peut être orienté vers un médecin généraliste en ville et un pharmacien désigné sur une ordonnance relais. La durée de prescription ne peut dépasser 14 jours et le rythme de délivrance par le pharmacien doit être précisé sur l'ordonnance à chaque prescription: délivrance quotidienne à délivrance pour 14 jours en une seule fois. Parfois, les patients préfèrent rester dans les centres pour des raisons de gratuité ou de suivi pluridisciplinaire.haut page magasin bio ligne

IV. La buprénorphine haut dosage (Subutex®): traitement de substitution


Son autorisation de mise sur le marché date de 1995 mais, en pratique, elle fut délivrée, en France, au début de 1996. La précision haut dosage vient du fait que la buprénorphine initialement prescrite en Belgique puis en France se présentait sous forme de comprimés faiblement dosés à 0,2 mg (Temgésic®), obligeant les usagers à consommer de 10 à 60 comprimés par jour !

Au contraire de la méthadone, le Subutex® peut être initialisé et prescrit par tout médecin même s'il est conseillé que ce soit dans le cadre d'une thérapeutique globale et d'un travail en réseau.

Ce médicament n'est pas un stupéfiant, néanmoins sa prescription fait l'objet d'une surveillance particulière (prescriptions seulement sur des ordonnances sécurisées). Les variations d'amplitude des posologies prescrites sont impressionnantes: de 0,4 mg/j à 32 mg/j (soit un rapport de 1 à 70 fois la posologie thérapeutique nécessaire !) selon les besoins individuels. La bonne posologie n'est pas la posologie mini-mal mais bien la posologie efficace, c'est-à-dire celle qui autorise une activité quotidienne et une qualité de vie satisfaisantes sans éprouver le besoin d'héroïne ou d'autres substances psychoactives.

Comme l'écrit M. Reynaud:

L'acceptation et la connaissance par le public des usages à risque et des usages nocifs ainsi que l'amélioration de l'accessibilité et de la qualité de la réponse professionnelle de premier niveau (médecins généralistes, urgentistes, médecins du travail, médecins scolaires, médecins du sport, travailleurs sociaux, personnels enseignants et d'encadrement, etc...) devraient permettre une prise en charge plus précoce et éviter beaucoup de dommages. C'est un enjeu majeur tant pour les individus en souffrance que pour la santé publique.

En d'autres termes, plus politiques, la construction d'une politique de santé des addictions doit reposer sur quatre piliers: le soin, la prévention, la répression et la réduction des risques.

Ces quatre piliers doivent être évalués dans leur efficacité par rapport à leur coût et dans leur capacité à se compléter pour construire une santé publique des pratiques addictives car, déplaisante ou pas, la réalité est qu'une société sans drogues, ça n'existe pas.

Il est temps, pour ce troisième millénaire, de nous extraire de la culture de la souffrance inutile, de la toxicomanie des idées reçues et des morales immorales.haut page magasin bio ligne

Références bibliographiques de la boutique bio en ligne

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